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> légitimation territoriale
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>> Ébauche de termes ou de concepts issus de l´observation sur le terrain, les mots qui constituent ce bref lexique ont pour objectif de relier de manière thématique les 237 lieux analysés, de proposer un regard transversal complétant la forme linéaire du parcours „fiche par fiche“. Pistes de réflexions, sorte de trame thématique, cet ensemble de termes évoluera et s´enrichira avec le temps et les collaborations que nous tachons de mettre en place.
[ si vous souhaitez participer à ce travail d´approfondissement contactez nous : contact@atelier-limo.eu

 

A certains des endroits étudiés, des faits historiques sont interprétés par un groupe de personnes de manière à revendiquer ou légitimer la possession d’un territoire ou d’un bien. Parfois, cette interprétation fait référence à des événements qui ont directement à voir avec des faits récents qui ont marqué l’histoire des lieux (comme l’exemple d’un Allemand voulant récupérer son ancienne maison d’où il s’est fait expulser suite à l’épisode des Sudètes). Parfois, ces revendications font appel à des faits historiques bien plus éloignés. Il semble même qu’elles mettent en lumière une lecture sélective de l’histoire qui permet d’évoquer certains événements afin d’en oublier d’autres.

L’exemple le plus significatif de ce phénomène est sans doute celui de Cedynia (D-PL 15). Au niveau de ce village frontalier qui surplombe l’Oder, fleuve qui sépare depuis 1945 l’Allemagne et la Pologne, une sculpture et le musée du village ainsi que les prospectus de publicité de la commune font fortement référence à une bataille qui a eu lieu en 972. Bataille remportée par les " Polonais " face aux " Allemands ". Il est difficile de ne pas voir à travers cet exemple la volonté de trouver quelque part la légitimation de la présence polonaise à cet endroit qui a depuis des siècles et jusque 1945 appartenu à l’ " Allemagne ". On peut douter de la filiation qu’il y a entre ces combattants du Moyen-Age (même s’ils se situaient à l’Est du front) avec les Polonais d’aujourd’hui, et réciproquement pour les Allemands d’en face. Cette façon de mettre en avant cet événement historique dénote la volonté de vaincre un certain malaise et montre la difficulté d’occuper des lieux qui portent de nombreux signes de la présence allemande comme la grande usine désaffectée à côté du poste de frontière.

Il semble que ce genre d’interprétation a depuis toujours été utilisée pour renforcer l’idée de l’identité nationale. On peut citer un passage du livre La Création des identités nationales (de Anne-Marie Thiesse, éd. du Seuil, p 14) :

" On sait bien aujourd’hui établir la liste des éléments symboliques et matériels que doit présenter une nation digne de ce nom : histoire établissant la continuité avec les ancêtres, une série de héros parangons des vertus nationales, une langue, des monuments culturels, un folklore, des hauts lieux et un paysage typique[...] "

Replacer ces faits dans le contexte de l’histoire européenne et non seulement dans le seul cadre national permet sans doute d’élargir le point de vue et peut-être d’éviter que l’histoire soit utilisée à des fins de conquête ou de revendication territoriale.