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>> Ébauche de termes ou de concepts issus de l´observation sur le terrain, les mots qui constituent ce bref lexique ont pour objectif de relier de manière thématique les 237 lieux analysés, de proposer un regard transversal complétant la forme linéaire du parcours „fiche par fiche“. Pistes de réflexions, sorte de trame thématique, cet ensemble de termes évoluera et s´enrichira avec le temps et les collaborations que nous tachons de mettre en place.
[ si vous souhaitez participer à ce travail d´approfondissement contactez nous : contact@atelier-limo.eu

 

" La frontière est une construction territoriale qui instaure de la distance dans la proximité " (Christiane Arbaret-Schulz, 2002)

En exerçant sa fonction de filtre, la frontière induit des formes urbaines et des dispositifs de mise à distance spécifiques. Nous avons cherché ici à présenter brièvement les manifestations spatiales les plus représentatives de ces discontinuités que la frontière instaure. Le but ici est de mettre en lumière certains exemples afin d’avoir les clés nécessaires pour mieux comprendre la frontière dans sa globalité. Ces notions pourraient dans une étape ultérieure faire l’objet d’une étude plus approfondie.


Les villes jumelles

La configuration des villes jumelles est sans doute l’un des effets les plus symptomatiques de ce que la frontière peut générer en terme d’urbanisme. On retrouve cette configuration plus particulièrement au niveau du couple Allemagne / Pologne et plus sporadiquement sur le reste de la frontière de Schengen; il s’agit en substance de deux villes accolées, séparées par une limite d’Etat. La plupart du temps, cette séparation est intervenue ultérieurement à la formation de la ville qui n’en formait qu’une seule. Elle est apparue suite à une translation de frontière. Dans le cas de Gorizia, c’est l’attribution de la quasi-totalité de la ville à l’Italie (ville qui constituait un centre pour les Italiens mais aussi pour les Slovènes) qui a provoqué par la suite l’élaboration de la partie slovène que forme aujourd’hui l’ensemble Nova Gorica (I-SLO 20). Enfin, on retrouve également de nombreux villages "allemands " à cheval sur la frontière tchèque qui ont été coupés en deux après le durcissement du statut de la frontière après la guerre et non pas son déplacement.

Les villes allemandes développées avant guerre, à cheval sur l’Oder ou la Neisse se sont retrouvées coupées en deux après le re-dessin de la frontière en 1945. Ceci a donné naissance à des villes jumelles aux problématiques aujourd’hui assez similaires: une ville allemande avec un niveau de vie plus élevé mais à la population décroissante et au taux de chômage important, une ville polonaise dont une grande part de l’activité repose sur une économie frontalière fragile et dépendante de décision prise à l’échelle nationale ou européenne (législations sur le transport des biens, taxes). C’est ce que nous appelons le " tourisme différentiel ".

Cette configuration de villes jumelles semble par ailleurs engendrer d’autres problématiques communes indépendamment de leur situation géographique et du pays auxquels elles appartiennent: la principale réside sûrement dans le fait que ces villes ne peuvent se développer territorialement que selon un spectre de 180°. Même s’il existe des coopérations, l’autre côté appartiendra toujours à l’autre pays et ne sera jamais réellement régi par les mêmes règles. Certaines villes jumelles comme Görlitz-Zgorzelec (D-PL 32) se sont développées à l’envers l’une de l’autre. Les deux centres ville“anciens” présentent ainsi une dissymétrie: l’un est rattaché au passage voiture, l’autre est connecté à son voisin par la passerelle piétonne. Des esquisses de projet de mise en commun d’une partie des budgets commencent à prendre forme comme à Görlitz-Zgorzelec, mais sont très difficiles à mettre en place. Dans les villes étudiées, cette problématique a été renforcée par le fait que les pays concernés n’entretenaient pas de bonnes relations pour privilégier un développement commun.

Aujourd’hui, en Europe, il semble que la configuration de ville jumelle soit devenue un atout en terme d’image. Les villes jumelles, de par leur spécificité bénéficient en effet plus facilement des subventions provenant de l’Europe (INTERREG) qui voit en elles le symbole de la réussite de l’élargissement.

[D–PL 18, D–PL 22, D–PL 27, D–PL 32, CZ–D 16, CZ-D 35, CZ-D 39, A–CZ 10, SLO-A 10, I-SLO 20 ]

Les nappes urbaines

La séquence de frontière qui sépare l’ex-RDA de la République Tchèque propose par endroits une forme assez particulière de discontinuité. Au sein même d’un ensemble urbain assez homogène, la séparation ne s’appuie pas sur un élément géographique clair comme pour la frontière germano-polonaise : la frontière vient sectionner à plusieurs reprises une nappe urbaine en deux parties.

La continuité observable sur la carte est ainsi toute relative : les liaisons ne sont pas si évidentes; les réglementations et restrictions au niveau des quelques passages frontière instaurent une distance entre des ensembles pourtant accolés. Ce sont ces mêmes restrictions (interdit aux voitures par exemple) qui sont à l’origine de ce que nous appelons les “espaces quais”.

[ CZ-D 01 à CZ-D 59, en particulier CZ-D 05 à CZ-D 11 ]

Espace quai

L’espace quai est produit par le fait que la législation met à distance deux espaces qui n’expriment pourtant pas spatialement de discontinuité. C’est le cas à de nombreux endroits où une route pourtant praticable en voiture se trouve pour des raisons administratives et législatives coupée par une barrière. De par cette mise à distance artificielle, un système de fonctionnement prend fin d’un côté et un second s’instaure de l’autre, comme sur le quai d’une gare.

Cette discontinuité, ce passage d’un système à un autre provoque l’apparition de formes urbaines et spatiales particulières: dans le cas où des commerces se trouvent d’un des deux côtés, c’est l’autre qui doit offrir des possibilités de stationnements. C’est la configuration de l’arrêt minute que l’on retrouve à de nombreux endroits comme CZ-D 06, CZ-D 11 ou CZ-D 32. Au niveau du poste A-H 04, c’est le passage de travailleurs hongrois vers l’Autriche qui induit la mise en place d’une véritable logistique: parking côté hongrois, mise à disposition de navettes par les entreprises autrichiennes qui embauchent de l’autre côté.

[ D-PL 01, CZ-D 06, CZ-D 11, CZ-D 32, CZ-D 69, A-H 04 ]

Villes bordures

Nous appelons de façon générale villes bordures, les villes qui se trouvent isolées à proximité de la frontière. Ces villes ont la particularité de s’être retrouvées du jour au lendemain au bout du monde du fait de la scission Est/Ouest instaurée après la seconde Guerre Mondiale. C’est un phénomène qui concerne en particulier les villes de l’ouest accolées au rideau de fer. Cette position a bien sûr eu des répercussions économiques: constituant à priori un handicap, ce désavantage a parfois pu être compensé comme à Furth im Wald (CZ-D 63) par une intervention forte de l’Etat. Soucieuses d’assurer la stabilité de cette région frontalière, les autorités allemandes ont par un système de subventions encouragé les entreprises à s’installer dans les environs de la ville.

Ces villes bordures connaissent depuis la chute du communisme un changement de statut qui n’est pas toujours forcément assimilé par l’ensemble de la population comme en témoigne l’exemple du village de Schrattenberg (A-CZ 27) qui est passé en quelque temps du statut de bout du monde à une position centrale dans cette nouvelle Europe.

[ D-PL 25, CZ-D 58, CZ-D 63, A-CZ 27 ]

Villes enclaves 

Les villes enclaves sont des villes bordures qui se trouvent encerclées par la frontière dans trois directions ce qui en limite les facilités développement. Elles connaissent avec l’ouverture de l’Union européenne le même changement de statut que les villes bordures.

[ CZ-D 44, SK-A 04, A-H 07 ]