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>> Ébauche de termes ou de concepts issus de l´observation sur le terrain, les mots qui constituent ce bref lexique ont pour objectif de relier de manière thématique les 237 lieux analysés, de proposer un regard transversal complétant la forme linéaire du parcours „fiche par fiche“. Pistes de réflexions, sorte de trame thématique, cet ensemble de termes évoluera et s´enrichira avec le temps et les collaborations que nous tachons de mettre en place.
[ si vous souhaitez participer à ce travail d´approfondissement contactez nous : contact@atelier-limo.eu

 

Frontières déplacées

Il suffit d’observer une carte de l’Europe de 1914 pour constater combien les frontières ont évolué en à peine un siècle. Des déplacements de frontière se sont opérés après la 1ère et la 2nde G.M. Ce phénomène est récurrent sur l’ensemble du territoire étudié avec une nuance en ce qui concerne la frontière entre la République tchèque et l’Allemagne (voir présentation du couple CZ-D dans le catalogue). Les déplacements de frontière découlent soit de la dissolution d’un pays ou d’un empire comme c’est le cas avec l’Autriche-Hongrie après 1918, soit de la redéfinition d’un tracé à la suite d’une sorte de guerre de territoire comme entre l’Italie et la Yougoslavie après 1945 ou encore de la translation d’un pays tout entier comme ce fût le cas de la Pologne après la 2nde G.M. Une grande partie de la frontière que nous étudions s’est constituée au cours de la deuxième partie du XXème siècle.

Population déplacées

Une des conséquences étranges du déplacement des frontières fût l’apparition de populations qui ont changé de pays sans bouger de place. Une partie de cette population s’est retrouvée du jour au lendemain étrangère dans un pays qui n’était soudainement plus le leur. Mais ce phénomène est beaucoup moins fréquent que les déplacements de population qui ont eu lieu suite à ces déplacements de frontière. Le plus frappant à la lecture d’une carte reste sans doute la translation de la Pologne de l’Est à l’Ouest après la guerre qui a vu la population allemande contrainte de se réfugier au-delà du nouveau tracé. Des régions entières ont ainsi été vidées de leurs habitants et réinvesties par une population provenant essentiellement des territoires perdus par la Pologne à l’Est du pays. La plupart du temps, le déplacement d’une population en induit celui d’une autre (ce phénomène s’est produit également en République tchèque et en Slovaquie où de nombreux Tziganes se sont vu occuper les maisons laissées vacantes par les familles déplacées).

En ce qui concerne la République tchèque, ce n’est pas un mouvement de frontière qui est la cause du déplacement de population (épisode des "Sudètes "). Cette population allemande qui résidait en territoire tchécoslovaque avant 1945 et qui représentait près d’un quart de la population totale du pays a été expulsée sans que la frontière ait été déplacée. Avec les décrets Beneš, il a été décidé que leur présence était illégitime en territoire tchécoslovaque (une grande partie de cette population avait soutenue l’invasion de ces territoires par l’armée d’Hitler). Environ 2,5 millions de personnes ont ainsi été expulsées de leur domicile du jour au lendemain et une grande partie s’est réfugiée dans les régions frontalières de l’Allemagne ou de l’Autriche (cf. CZ-D 42), certains espérant encore quelque temps que cette situation ne soit que temporaire et qu’ils puissent récupérer leur ancien lieu de vie rapidement. (cf chapitre " frontière salle d’attente ")

Les frontières germano et austro-tchèques ont donc changé de statut après guerre passant de " frontière molle " (de nombreux échanges s’effectuaient entre les deux pays) à une " frontière dure " (rideau de fer). On retrouve ce phénomène entre la Slovaquie et l’Autriche où il existait de nombreux passages (plus qu’aujourd’hui) avant la mise en place du rideau de fer, entre l’Autriche et la Hongrie mais aussi entre l’Italie et la Slovénie où les populations s’étaient établies à cheval sur la frontière. De manière globale à l’échelle européenne, le passage à un statut de " frontière dure " a eu comme conséquence de mettre à distance deux groupes ethniques, deux groupes de langues (allemand + italien / langues slaves + hongrois), ce qui n’était pas forcément le cas auparavant.

Ces translations, qu’il s’agisse de déplacement de frontière ou de population, ont la particularité de véhiculer encore aujourd’hui des contentieux entre les personnes des différents pays. Ces problèmes qui ne concernent aujourd’hui quasiment plus qu’une seule génération sont parfois encore relayés par les générations suivantes qui n’en connaissent pas toujours forcément toutes les clés et les significations. (cf. " espace refouloir ")

Derniers signes de ces déplacements de population, on retrouve actuellement une forte minorité vietnamienne à la frontière de la République tchèque. Le changement de statut de la frontière après 1990 et les possibilités de commerce que ceci représentait ont sans doute entraîné le déplacement de cette population aux marges de l’Etat.